TRIBUNE accueille mes points de vue convivialiste liés à l'actualité.
ARCHIVES 2014
Les Français aiment les réformes -- Octobre
Faire renaître l’espérance -- Juillet
Changeons de logiciel économique -- Juin
La cour des miracles de la politique -- Juin
Exhortation pour plus d’Europe -- Mai
Instaurer un revenu maximum ? -- Avril
Le fascinant mirage du numérique
Tribune publiée par Ouest-France le 10 décembre 2014version pdf
La « révolution » numérique alimente nos rêves et bien souvent nous facilite la vie, mais elle est aussi un mirage fascinant qui nous empêche de prendre conscience des réalités et d’y faire face.
Pour éviter la fracture sociale du numérique, nos gouvernants ont multiplié les efforts afin que chacun puisse accéder à cette révolution. Bientôt, les écoliers auront pour tout cartable une tablette numérique et seront en permanence géo-localisés, sécurisés. Comme le seront les anciens. Nos voitures rouleront sans chauffeurs et sans accidents, des drones viendront peut-être apporter à domicile, les derniers livres ou les produits alimentaires commandés par notre réfrigérateur ... et un robot les servira à notre table après cuisson…
Dès aujourd’hui nous téléchargeons d’innombrables applications sur des portables « intelligents » des smartphones, qui nous font naviguer sur les routes et sur le net. Les musiques, les films, les écrits, les jeux du monde entier, bientôt en traduction automatique, s’invitent à profusion sur nos écrans domestiques. Des nanoparticules radioactives détecteront dans nos cellules les menaces de cancer, si tôt, qu’on pourra les éliminer. L’aide aux gestes médicaux permettra de prolonger plus encore nos vies dont la qualité matérielle sera améliorée par des soutiens merveilleux.
Ne parlons pas des questions inquiétantes que posent ces bouleversements et leur gestion côté « consommateurs-tweeters ». Le devant de la scène est occupé par le seul souci d’offrir l’égalité d’accès à ces services considérés – a priori, parce que disponibles- comme bénéfiques et désirables.
Mais demandons-nous quel est l’impact de cette « révolution » numérique sur la production et l’emploi. Le magazine The Economist en donnait, en octobre, une appréciation claire, titrant « De la richesse sans travailleurs, des travailleurs sans richesse ». Voilà le mirage, voilà les réalités. L’an dernier des chercheurs d’Oxford (Frey et Osborne) calculaient que 47% des emplois actuels aux Etats-Unis étaient menacés par la « révolution » des processus de production.
Dans les changements d’âge industriel du passé, de la vapeur à l’acier, les emplois détruits massivement furent remplacés plus massivement par d’autres. Les firmes géantes du passé ont dégraissé le mammouth – l’employeur public suit-, mais les nouvelles têtes d’affiche du numérique et de la bourse sont des nains en emploi : avec moins de 50 000 emplois chacun, Google et Facebook sont sous cet angle ridicules.
Le Chinois le plus riche, qui les concurrence à la tête d’Alibaba - un le boncoin à l'échelle chinoise -, n’emploie que 20 000 personnes. De plus, R. Gordon a montré, ce que d’autres économistes tel que le prix nobel Robert Solow ont confirmé : nous sommes entrés dans une ère de stagnation séculaire. Alors ?
Il est urgent de ré-organiser le partage de l’emploi et de ce qui est produit sans attendre une croissance qui ne viendra pas. Etre responsable exige de s’attaquer à cette réalité, au lieu de s’abandonner aux délices des plaisirs numériques.
Marc Humbert
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Les Français aiment les réformes
Tribune publiée par Ouest-France le 3 octobre 2014Certaines attitudes des Français ont conduit à soutenir – à tort - que les Français seraient hostiles aux réformes.
Parce qu’un grand nombre d’entre eux résistent à la réforme territoriale en tenant à leurs régions actuelles ? Ces régions puisent leurs contours dans l’histoire longue ou dans un effort de construction d’une coopération intensifiée depuis 50 ans sur ce périmètre. Pour bouleverser cette carte de France et la vie ensemble qui s’y est organisée, il faut une bonne raison. L’argument fort semble être celui de la taille au regard de celle de la moyenne des régions européennes, comparaison qui va sans véritable avancée décentralisatrice qui les ferait ressembler, par exemple, aux Länder de cette Allemagne donnée en modèles.
Les Français le comprennent bien : le souci de l’efficacité comme celui de la démocratie ne peuvent s’accommoder de la précipitation. Ce n’est pas la bonne manière pour mettre en place le meilleur niveau d’organisation en dessous du niveau étatique appelé à modifier la carte de France. Une réflexion la plus large possible aurait montré quels changements la majorité des Français étaient prêts à soutenir pour viser des objectifs clairs.
Les Français seraient hostiles aux réformes parce qu’un grand nombre d’entre eux s’inquiètent de la remise en cause des 35 heures, de l’âge de la retraite, de l’interdiction du travail du dimanche, de la mise en place d’un smic jeunes ? Cela apparait à la masse des travailleurs comme des atteintes aux acquis sociaux. Celui qui n’a que sa force de travail à monnayer dans un contrat salarial s’efforce comme dans tout contrat d’obtenir un prix (salaire) plus élevé pour une offre (quantité de travail) moindre.
Le progrès social a amené un salariat contractuel encadré par des conventions collectives et des lois du travail. La focalisation sur la durée du travail pourrait s’assouplir si se mettaient en place des conditions permettant de s’épanouir - un peu plus ?-dans son emploi. Bien des maraîchers bio sont heureux de ce qu’ils font sans s’appliquer ces lois, bien des enseignants tout autant, travaillant au-delà des heures de présence face aux élèves, bien des médecins, des artisans et des chefs d’entreprises, des femmes et des hommes investis en politique…
Soyons clairs, ces réformes qui déplaisent aux Français ne peuvent relancer une croissance suffisante pour provoquer cette inversion de la courbe du chômage qui fut promise pour la fin de 2013. Alors ? Il faut certes des réformes qui permettent de mieux travailler et mieux vivre ensemble dans un contexte de non-croissance et de nécessaire transition écologique. Pas pour autant en augmentant la dépense publique.
A son niveau la société civile conduit déjà ce type de réformes avec l’aide des autorités locales. Un exemple : combien de parkings en périphérie des petites villes pour faciliter le co-voiturage qui améliore la convivialité, réduit les dépenses familiales et l’impact sur l’environnement ? Les Français aiment les réformes et y participent quand ils voient qu’elles améliorent leur qualité de vie. Aux responsables de soumettre des propositions à la réflexion et au débat.
Marc Humbert
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Faire renaître l’espérance
Tribune postée sur Altersocietal le 11 juillet 2014Quelle confiance pourrions-nous avoir en ceux qui gouvernent en notre nom ou ambitionnent de le faire ? Beaucoup nous désespèrent, pas tant par ce qu’ils sont, avec leurs défauts personnels montés en épingle par les médias, provoquant la satisfaction à demi- cachée de leurs adversaires. Non, ils nous désespèrent parce qu’ils nous promettent l’impossible ou l’inacceptable. Comment retrouver l’espérance ? C’est à ceux qui nous montreront la route à prendre ensemble vers le souhaitable que nous accepterons de nous confier.
Dans le tourbillon des affaires produites par des batailles pour le pouvoir via l’argent, dans la précipitation de réformes pour réduire les dépenses, le chômage ne cesse pas sa montée mais la pauvreté, en revanche, s’étend. La dégradation de la nature se poursuit. Dans le même mouvement les plus nombreux qui ont un emploi ou entreprennent comme artisans et patrons de PME ont l’impression que leurs impôts trop lourds ne servent pas à sortir du marasme. Dans le même temps les concentrations géantes se poursuivent avec le soutien des grandes banques maniant des milliards et les grandes firmes versent à leurs hauts dirigeants des revenus fabuleux. Ainsi mènent-ils des stratégies offrant aux actionnaires des taux de rendement durablement supérieurs aux (de plus en plus faibles) taux de croissance comme l’a montré le best- seller mondial de Piketty.
Il est impossible de faire croître le déficit public, mais malgré toutes les « coupes » annoncées il n’y a pas d’amélioration en vue. Nous savons qu’il faudrait réduire les émissions de gaz à effets de serre et les transports en camion, mais en Bretagne l’écotaxe ressemble à une double peine. Seule la route est accessible et dans l’Europe centrée en Allemagne, elle y envoie par camions ses porcs à abattre par des ouvriers roumains payés sous le smic. Dans la mondialisation, laisser aux marchés le rôle de coordination, c’est laisser l’eau couler vers le bas, sans écluses, comme un torrent dévastateur. S’il est impossible de relancer par la demande, il est inacceptable de laisser jouer librement les marchés et faire gagner les plus compétitifs qui accessoirement détruisent la planète.
Valery Giscard d’Estaing prônait un libre échange organisé que cautionnait Maurice Allais (prix Nobel d’économie comme Stiglitz). Il ne s’agit pas de rêver un repli sur soi, un retour au passé, mais de construire sur la coopération entre nous et avec le reste du monde et non sur la guerre économique. Le politique doit commander, ne pas être à la remorque des marchés. Des institutions doivent les soumettre aux règles du bien vivre ensemble dans la nature, du local au mondial. Il faut le faire en cherchant à construire ce qu’un groupe d’intellectuels français et étrangers décrit comme des sociétés convivialistes* (plus, sur ce site dans la rubrique convivialisme) . Alors l’espérance renaîtra et avec elle la confiance.
Marc Humbert
*Empruntant au vocabulaire d’ Ivan iIlich ils ont publié Le Manifeste convivialiste, Le Bord de l’eau, 2013 et plus récemment "Du convivialisme comme volonté et comme espérance", Revue du Mauss n°43, 1er sem. 2014.
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Changeons de logiciel économique
Tribune publiée par Ouest-France le 4 juin 2014Face à la crise économiques, de nombreuses voix s’élèvent (et se sont élevées pendant la campagne pour les européennes) pour demander un changement de logiciel : changer nos règles de fonctionnement. L’idée mérite une mise en perspective large.
Notre logiciel historique de fonctionnement fut celui de la compétition-accumulation pour toujours plus de croissance au sein d’un Occident dominant le reste du monde en s’en protégeant. La récurrence des crises au 19ème siècle et les risques de révolution que la paupérisation pourrait déclencher ont fait naître le logiciel « social-démocrate ».
De 1900 au début des années 1970, la montée poursuivie des dépenses sociales au sens large, de la redistribution, a enrayé non seulement la paupérisation absolue mais aussi réduit les inégalités. Puis malgré les limites atteintes par le toujours plus de croissance, on a ignoré l’injonction du rapport du MIT (Massachusetts Institute of Technology) « Halte à la croissance ! ».
On a préféré ré-aménager l’ancien logiciel. Il est devenu « néolibéral » au Royaume-Uni, puis aux Etats-Unis, en France (avec le tournant de 1983) et un peu partout. Pour retrouver toujours plus de croissance – au moins en valeur monétaire- on a libéré les tigres de la compétition-accumulation. La demande vient-elle à s’épuiser en Occident où, en moyenne, les besoins de base sont satisfaits ? On pousse cette masse moyenne à remplacer les objets que l’on démode, on incite à l’acquisition de ce qui tient de plus en plus du gadget.
Face à l’émergence de productions issues du reste du Monde, l’Occident impose une rénovation technique des procédés et des objets en s’appuyant sur l’électronique et sur les hautes qualifications. Cette rénovation bénéficie aussi à la libéralisation de la finance qui pousse à l’endettement, supplante l’esprit industriel et se mondialise. Le logiciel neolibéral rénove la compétition-accumulation- financiarisation pour toujours plus de croissance dans un contexte hyper mondialisé. Les fusions acquisitions planétaires de la concentration du capital s’envolent comme jamais depuis le Sherman Act – de lutte contre la concentration- qui avait inauguré en 1890, aux Etats-Unis, le logiciel social-démocrate appuyé ensuite par la loi de séparation des banques, en 1933, puis par le New Deal et Keynes. Depuis 1971, le logiciel néo-libéral a remonté les inégalités au niveau de 1914, relancé la paupérisation absolue avec la précarité et les sans-abris.
Nos restes de logiciel social-démocrate ont tenté de défendre les acquis sociaux. Le combat de Manuel Valls est de conformer définitivement la France au logiciel « néolibéral ». Pourtant c’est ce logiciel qui a produit la crise de 2008 aux Etats-Unis et il ne peut que reproduire des crises de même type.
Pour affronter les réalités dont nous avons pris conscience il y a quarante ans, il faut changer vraiment. Concevoir et adopter un logiciel de coopération-partage pour toujours plus de bien vivre ensemble, limitant les inégalités entre nous et avec le reste du monde et remettant les tigres dans leur cage, pour notre survie et celle de la planète. Il faut revoir notre mode de fonctionnement et pas seulement le montant et la structure de nos dépenses.
Marc Humbert
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La cour des miracles de la politique
Tribune postée sur "altersocietal" le 1er juin 2014Le citoyen à la recherche de comment voter au mieux le 25 mai, était bien embarrassé. Pour les medias, à part la participation, l’enjeu principal était le poids du FN puis de savoir si l’UMP serait devant, et ce qui resterait du PS. Au-delà le citoyen était face à une cour des miracles de la politique et non face à un débat entre des projets plausibles répondant aux enjeux réels.
Les médias relayaient deux options principales. La première offerte à la fois par l’UMP et par le PS –avec des divergences internes- prolongeant leur accord pour le traité de 2007 puis en 2012 du pacte de stabilité et de croissance. Un accord en opposition avec la volonté populaire exprimée au référendum de 2005, accord qui a mis au frigo la construction de l’Europe en communauté politique qui était le pendant à la création de l’euro lors du traité de Maastricht. Dès lors la distorsion entre l’élite européenne et le peuple dans nos pays de l’Ouest, s’est accrue. Le projet de constitution d’un grand marché pour sceller la paix dans une dynamique de prospérité à l’échelon européen, s’est mué, chez nous en un programme social libéral de mise en compétition généralisée, nécessitant la remise en cause des acquis de la protection sociale, en particulier du modèle de l’Etat providence, sans que personne ne puisse vraiment assurer, même dans ces conditions, le retour de la croissance. Le citoyen bien intentionné, mais pas bien accroché à l’un de ces partis…ou à un autre « petit » parti, ne sait que faire.
Ni perspective pour le quotidien, ni grande ambition pour l’avenir. D’où l’abstention massive tandis que le quart des votants a choisi l’autre option, le mirage proposé par le FN, d’un retour à une social-démocratie nationale, du type de celle qui triompha de l’après-guerre aux années soixante-dix. Les promesses du Front ont d’autant plus séduit qu’il avait lissé ses positions d’extrême droite.
Le régime social- démocrate, œuvre des politiciens qui firent l’Europe, l’UMP et le PS, bute depuis les années 80 sur la mondialisation. Les politiques économiques, surveillées par les « marchés », mettent en concurrence planétaire les ressources d’investissement, de compétences et coursent la plus forte compétitivité. Le régime social-libéral, tentant de sauver des restes de « social » a contracté une dette colossale envers les marchés financiers mondiaux, tandis que le potentiel de croissance mondiale décline déjà chez nous, avant même toute modération ou/et restructuration pour préserver la planète et le bien-être des générations futures. La divergence d’intérêts entre capitalistes mondialisés et travailleurs localisés explose et c’est la montée du chômage, de la précarité, des inégalités.
Paul Krugman et quelques autres soulignent que nous sommes entrés dans une ère de stagnation séculaire : comment s’organiser en France, en Europe dans cette perspective ? C’est pour répondre à cette question que les partis politiques et les médias responsables devraient offrir des analyses et des propositions.
Marc Humbert
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Exhortation pour plus d’Europe
Tribune postée sur "altersocietal" le 20 mai 2014Pour faire face à l’Etat du monde nous avons besoin de plus d’Europe. C’était déjà l’idée des pères fondateurs qui lancèrent la construction européenne, en rupture radicale avec un passé pesant et dramatique. Relançons l’Europe dans le même esprit et, en prenant acte du nouveau contexte mondial, bâtissons l’Europe qu’il nous faut.
En 1922, en créant le mouvement pour les Etats-Unis d’Europe qui entraina l’élite politique européenne d’alors, Richard de Coudenhove -Kalergi s’attachait à œuvrer pour la fraternité. Il citait la réflexion de Goethe « Les législateurs et les révolutionnaires qui promettent au peuple à la fois la liberté et l’égalité, sont des radoteurs ou des charlatans » (en exergue à L’Homme et l’Etat totalitaire, Plon, 1938). Après-guerre, Jean Monnet a stimulé la mise en œuvre du projet européen sur une perspective fraternelle de paix reposant sur la dynamisation de la croissance. Celle-ci était fondée sur le charbon et l’acier et animée par l’ouverture des marchés entre pays membres.
Un siècle ou peu s’en faut après Kalergi, relançons l’Europe sur une perspective de convivialité ou d’interdépendance universelle. La question de la paix dans le monde n’est plus principalement celle de la paix entre pays européens. Elle ne peut plus s’appuyer sur la croissance économique conjointe d’un petit groupe de pays qui s’ouvrent mutuellement leurs marchés. La paix mondiale est menacée principalement par des exclus au sein de pays non industriels, la paix civile dans nos pays est perturbée par des exclus de la croissance, les uns et les autres ressentent l’inhumanité des conditions qui leur sont faites. Les rêves de retour de la croissance matérielle du monde butent en outre de manière définitive sur l’épuisement des ressources naturelles et la dégradation de l’environnement.
Pour relever ces défis, l’Europe peut jouer la primauté de la coopération sur la guerre économique et en cela elle montre déjà – bien qu’imparfaite- aux yeux de bien des peuples du monde, ce qu’il est possible de construire au-delà des espaces nationaux sans tomber dans les pièges d’une mondialisation trop souvent sauvage. Relevons les défis de l’euro : l’abandonner serait revenir à la guerre des monnaies et au risque de dollarisation. Attaquons nous collectivement aux problèmes cruciaux d’aujourd’hui, celui de la transition écologique et celui qui est lui est combiné, à savoir la meilleure répartition entre tous des fruits de nos activités malgré l’absence de croissance monétaire.
Il nous faut plus d’Europe pour remettre la société en symbiose positive dans la Nature, remettre les marchés, l’économie, au service de la société, et de ses fins. Ces fins c’est le bien vivre ensemble dans une interdépendance universelle offrant à chacun, reconnaissance, dignité et responsabilité. Pour cela, créer des ressources grâce à la nature et au travail de tous, mais aussi, ce qui nous manque le plus, trouver comment les partager. La tentation au repli national, au repli sur soi ne sauront nous épargner les périls qui continuent à monter, mieux vaut les affronter en approfondissant la coopération européenne.
Marc Humbert
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Instaurer un revenu maximum ?
Tribune publiée par Ouest France le 1er avril 2014Environ 400 entreprises françaises versent à un millier de salariés un salaire annuel de plus de un million d’euros (somme au-delà de laquelle elles devront désormais payer un impôt de 75% ). Une partie de ces salariés sont des hauts dirigeants d’entreprises, ceux des 120 premières côtées à Paris (SBF 120) dont le tiers forme le CAC 40. De 2008 à 2012, la rémunération de ces dirigeants du SBF 120 a augmenté de 4% par an quand le pouvoir d’achat des salaires moyens, sur la même période ne progressait que de 0,7%.
Ne faudrait-il pas instaurer un revenu maximum ? C’est une question d’économie et une question de société.
Le niveau de rémunération résulte de la loi du marché de sorte que chacun soit payé selon ses mérites. Capital.fr a étudié les rémunérations de 60 dirigeants et les performances de leurs entreprises - bénéfice par action, cours de Bourse, rentabilité et marge brute entre 2008 et 2012. Sa conclusion : un tiers sont trop payés, un tiers pas assez et donc un tiers seulement selon leurs mérites. Pour le montant, il faut se référer à la théorie de l’agence et à la gouvernance d’entreprise. La rémunération est le prix payé par l’actionnaire pour imposer aux dirigeants sa logique financière, au détriment de la leur, peut-être industrielle.
Comparons Carlos Ghosn de Renault-Nissan et Akio Toyoda de Toyota. Le premier gagne 10 millions d’euros, 5 fois plus que l’autre alors que Toyota fabrique deux fois plus d’automobiles. Capital.fr range Ghosn parmi les trop payés avec son salaire chez Renault. Toyoda est moins payé mais, héritier de la famille, il a la confiance des actionnaires qui n’ont pas besoin de l’acheter. De plus, les grandes firmes japonaises gardent une logique industrielle quand les françaises tendent vers une logique financière à la suite des américaines. Ainsi les hauts revenus ont une justification économique et gestionnaire.
Toutefois le grand écart entre bas et hauts revenus bouscule la société et les Suisses ont essayé, en vain, de décider de le limiter de 1 à 12. Est-ce trop restreint ? Le fondateur de la banque Morgan proposait 1 à 20. Les pratiques observées vont bien au-delà : de 1 à 500 pour Carlos Ghosn.
Pourquoi cet envol ? Selon une étude de 2011 de l’OCDE, la croissance et la mondialisation, entre le milieu des années quatre-vingt et la fin des années 2000 sont allées de pair avec la montée des inégalités entre les 10% les plus riches et les 10% les moins riches. Piketty et d’autres ont montré l’amplification des inégalités vers les plus hauts revenus, des 5%, des 1%, des 0,1% les plus riches. Les Etats-Unis sont leaders, suivis par les anglo-saxons et puis par la France et le Japon. En 2010 comme en 1928, aux Etats-Unis, les 5% les plus riches reçoivent 24% des revenus, les 1% les plus riches 16%. La France est sur le chemin.
Si ce n’est pas conforme à notre conception d’une bonne société, il faut tenter d’instaurer un revenu maximum, ou tenter de faire fonctionner la société autrement.
Marc Humbert
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